Technique : Focus Stacking
Ou comment obtenir des photos de produit intégralement nettes
Le Focus Stacking, ou en bon français « l’empilement de mises au point », est une technique très utile pour qui pratique la photo de produits. Enfin, pas n’importe quelle photo de produits. Celle du type chirurgical, du visuel publicitaire par exemple, destiné à subir des agrandissements ou à être détouré.
Théorie et problématique
Version courte : c’est généralement entre f4 et f8 que les objectifs délivrent leur meilleur piqué. Mais à ces ouvertures, on n’a pas assez de profondeur de champ. Et si on ferme le diaph, on perd en piqué. D’où le focus stacking ! Vous n’avez rien compris ? Lisez la version longue ci-dessous.
Sans rentrer dans des notions complexes d’optique, il faut savoir qu’un tandem capteur photo (ou pellicule) + focale (objectif) va produire une image en partie nette et en partie floue. Elle sera nette là où la mise au point a été faite bien sûr, mais aussi un peu avant et un peu après. De l’avant à l’après en passant par le point exact, c’est la zone de netteté, qu’on appelle aussi la profondeur de champ. Quand elle est faible, la profondeur de champ donne des beaux flous artistiques, quand elle est forte elle permet une grande netteté de l’image.
Différents facteurs jouent sur la profondeur de champ. Des facteurs d’ordre matériel (taille du capteur et focale) et des histoires de réglages (ouverture du diaphragme et distance entre l’objectif – le sujet). Si on part sur une configuration extrême, avec un petit capteur de smartphone couplé à une focale grand-angle et qu’on photographie un paysage distant, on aura de la netteté dans tout le champ de l’image. A l’inverse, si on utilise du moyen format avec une focale longue et qu’on photographie un objet proche de l’objectif, on aura une zone de netteté de quelques millimètres à peine et principalement du flou.
Netteté ou piqué
Coupons la poire en deux, en partant sur le postulat du photographe professionnel qui va shooter en plein format (24×36) avec une focale fréquente en nature morte (quelque part entre 60 et 200 mm). Même en fermant bien le diaphragme il aura du mal à avoir une netteté parfaite sur toute l’épaisseur du produit. Et surtout, trop fermer son diaph occasionne deux autres problèmes :
- une perte de piqué liée à la diffraction de la lumière
- un besoin accru de puissance d’éclairage en studio (ou besoin de monter ISO / d’allonger le temps de pose)
Là encore, je ne vais pas rentrer dans des explications complexes (vous en trouverez dans cet article par exemple). Apprenez à connaitre votre matériel, vous saurez ensuite quelles valeurs d’ouverture il est préférable de ne pas dépasser. Sur mon Nikon D850 et avec mon zoom Tamron 70-200 mm G2 ou mon 60 mm macro, je ne dépasse jamais f10. Et la plupart du temps, je préfère être entre f5,6 et f8, les valeurs où j’ai le meilleur piqué et la meilleure homogénéité. Mais je ne suis pas net partout donc je fais du focus stacking !
Le Focus Stacking selon Helicon
Le principe est toujours le même : il faut faire plusieurs vues à la suite en ne faisant varier que la distance de mise au point. Puis utiliser un logiciel pour fusionner toutes les images. Plusieurs façons de s’y prendre, qui dépendent des outils employés. J’en ai essayé quelques-unes, mais je ne vais présenter que la méthode que je trouve la plus efficace, avec l’excellent logiciel Helicon Focus (en version 8.2 à l’heure où j’écris ces lignes).
Au début j’utilisais un plateau micrométrique et entre chaque vue, je mettais un petit tour de molette. Mais ça c’était avant que je découvre Helicon Focus. Parce que le logiciel ne se contente pas de faire l’assemblage des vues, il gère aussi la capture, en mode connecté (ou tethered), via le module Helicon Remote.
Prérequis
Il vous faudra donc un ordinateur et un câble USB pour relier votre appareil au logiciel. Evidemment, un trépied solide. Et pensez bien à désactiver la stabilisation optique de l’objectif, qui peut introduire des légers décalages de cadre entre les vues. Enfin, utilisez un objectif plutôt moderne, et surtout avec firmware à jour pour garantir la compatibilité avec Helicon Remote.
Pour la suite, vous aurez tout le loisir de tester le logiciel en long en large et en travers. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’en mode tout automatique ça donne des résultats impeccables à tous les coups ou presque !
Capture connectée via Helicon Remote
Via Helicon Remote, une fois que tous vos réglages sont bons, il faut renseigner la mise au point la plus proche (outils loupe sur le point le plus proche, et on ajuste la mise au point en cliquant sur les flèches, puis quand c’est bon on bloque avec le cadenas) et la plus longue (idem dans l’autre sens). En mode automatique, le logiciel détermine alors le nombre de vues à faire, en fonction de la focale et de l’ouverture. On lance le processus, sans faire un pogo à côté de l’appareil. Cette vidéo n’a pas été réalisée au studio mais chez moi, donc sans mes éclairages.
Assemblage des vues
La fusion est tout aussi déconcertante de simplicité. Là aussi, vous pouvez bidouiller si le coeur vous en dit (trois méthodes de rendu, paramètres rayon et lissage). Mais par défaut, les résultats sont déjà au top (si vous avez bien piloté la prise de vue) ! Petite parenthèse : le logiciel digère directement les RAW, mais ça alourdit la tâche. Et surtout si vous fusionnez directement les RAW, vous vous retrouvez avec un fichier TIF qui une fois ouvert dans Lightroom a perdu une partie de son intérêt d’édition (profils, balance des blancs, corrections d’optique).
Donc le mieux – même si pas le plus direct en termes de workflow – c’est de faire vos prises de vue depuis Helicon Remote, les éditer avec Lightroom, les exporter en TIF/DNG via le plugin Helicon Focus pour Lightroom et procéder au rendu.
La photo « stackée » enregistrée est alors automatiquement importé dans Lightroom dès que vous fermez Helicon Focus. Vous pouvez alors faire les derniers fignolages (clarté / texture ou le color grading par exemple, qu’il vaut mieux garder pour la fin). Helicon Focus est disponible en version d’essai, en abonnement annuel ou en licence définitive.